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Au bord du lac de Lugano, une Arcadie rêvée par les artistes

Du cœur du Péloponnèse aux bords du lac de Lugano, en Suisse italienne, il n’y aurait qu’un saut : celui de l’imaginaire de l’Arcadie, cette région grecque qui, portée par les mots de Virgile dans ses Bucoliques, est venue incarner un paradis pastoral jusque dans la peinture italienne de la Renaissance et baroque. L’idée d’une nouvelle Arcadie modelée au début du XXe siècle dans la région du Tessin selon cet idéal antique est le point de départ de l’exposition « Arcadia », imaginée à la Fondation Bally, sise dans une ancienne villa d’habitation au nom grec (la Villa Heleneum) avec vue panoramique sur le lac.
Le parcours s’ouvre par une frise de cartes postales dénichées aux archives de Lugano qui montrent dans les années 1900 de simples paysages de montagne, agrémentés de quelques cyprès, avant un tournant radical, des années 1930 aux années 1950, avec l’apparition de palmiers, dont certains par photomontages d’anticipation − une stratégie pour promouvoir une nouvelle approche, méditerranéenne, de l’environnement lacustre.
Avec la démocratisation de l’automobile et le désenclavement de la région, située entre la Suisse allemande et l’Italie, le Tessin devient alors une destination prisée. « A ce moment-là, le Tessin arrête d’être le nord du Sud, pour devenir le sud du Nord, pour attirer les visiteurs. Les palmiers deviennent l’emblème de cette nouvelle imagerie, à laquelle est ajoutée une touche de classicisme : de fausses ruines commencent à envahir le paysage », résume Vittoria Matarrese, la directrice des lieux et commissaire de l’exposition.
De végétation exotique en faux vestiges, partout, les jardins des abords du lac se métamorphosent en oasis intemporelles. Le parc Scherrer, créé entre 1930 et 1956 à Morcote par un collectionneur d’art (et ouvert au public depuis 1965), pousse le jeu du pittoresque au plus haut, avec reproductions de statues antiques, grotte artificielle, et même un faux temple grec soutenu par des caryatides.
« Arcadia » ouvre cette vision de l’esprit des lieux aux échos arcadiens en s’intéressant à la manière dont les artistes contemporains (ici une vingtaine) jouent avec les frontières entre nature et artifice, réalité et fantasmes, pour construire des paysages fictifs et référentiels. Si Julius von Bismarck délivre une vision romantique, en transformant de grandes palmes − des feuilles aux racines − en herbiers sculpturaux, Mehdi-Georges Lahlou réalise, lui, des agrandissements de palmiers malades, vus au microscope, qui n’ont pas survécu aux changements de biotopes.
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